Le sol vibrait, les filles fantasmaient, les mécaniques envoyaient grave, et les mecs se prenaient tous pour Richard Petty...

Les muscles cars auront duré une décennie, 1964 à 1974, c'est inscrit, traces de pneus noires sur tarmac blanc, dans les pages d'histoire de l'automobile yankee. La décennie du plus grand délire mécanique routier ayant existé, comme une grande orgie de V8 surpuissants, de gomme brûlée, de couleurs flashies, de burn out... Sur les Sunset Boulevard de l'Amérique, le samedi soir, c'était la fièvre à chaque fois que le feu passait au vert. Fucking bastards, ça résonnait dans toutes les artères ! Le sol vibrait, les filles fantasmaient, les mécaniques envoyaient grave, et les mecs se prenaient tous pour Richard Petty... Cramer de la gasoline, et descendre dans les 15 ou 14 secondes au quart de mile. C'est tout ce qui comptait, avec le rock, le surf, le sexe et la Bud, Wild at heart. Des chevaux ? T'en avait partout, ça dégueulait de sous le capot, percé pour laisser respirer les bestiaux. Les caisses mythiques, on les connaissait : Pontiac GTO, Mustang Match 1 ou Boss, Camaro Z28, Firebird TransAm, Olds 4-4-2, Buick GS-X, Dodge Charger R/T, Chevelle SS, Plymouth Roadrunner, on en passe, plus ou moins meilleures... Les trois Grands ( Ford, General Motors, Chrysler ) avaient trouvé la règle : caisse de grande série, très très gros moteur, couleurs qui tuent, 3 000 dollars. Sans les options. Et des options, il n'y avait que ça en 1969/1970. Deux années magnifiques. Rien qu'au démarrage des muscle cars du moment, ça arrachait le cœur tant c'était sourdement violent. C'est à ce moment, au plus fort de l'ouragan, que la Dodge Challenger est née. Elle portait bien son nom...

La genèse de la Dodge Challenger fut relativement complexe. Les grands groupes américains fonctionnent avec plusieurs marques à faire évoluer en même temps, chacune correspondant à un état d'esprit. Chez Chrysler, Plymouth est plus populaire que Dodge. Mais tout cela n'est qu'affaire de style, de chromes, d'options, de gadgets. En dessous, tout est pareil ou presque : on partage les châssis, les moteurs et les boîtes, la plupart du temps. Concernant le créneau des muscle cars , en revanche, Plymouth et Dodge ne sont pas logés à la même enseigne : l'un peine à réaliser une Barracuda charpentée, l'autre offre dans la deuxième moitié des années 60 une brochette d'engins plutôt balaises : Charger, Coronet et Dart R/T, le fameux Seat Pack. L'image « muscle cars » est forte chez Dodge, bien moins chez Plymouth, et c'est dans ce contexte qu'est mise en chantier en février 1967 la troisième génération de Barracuda prévue pour 1970.

C'est alors que la direction de Dodge fait savoir qu'elle aimerait bien ajouter un pony car à sa gamme... Pony car ? C'est la catégorie inventée par la Ford Mustang en 1964 : coupé et cabriolet avenants, à la ligne sportive, mais utilisant des éléments mécaniques de grande série et vendus au prix d'une berline bas de gamme. Sous le capot, on la joue plutôt tranquille que musclé. Pony car ou muscle car ? Parfois, certains modèles, suivant les versions, jouent sur les deux registres : il y a une grande différence de performance et de vocation entre une Camaro 6-cylindres à toit vinyle, jantes à rayons et pneus à liseré blanc et une Z28 conçue pour remporter le championnat TransAm ! Dodge veut un engin de ce calibre : une belle bagnole, oscillant entre la bourgeoisie et le survêtement...

À la Chrysler Corporation on valide l'idée : Plymouth Barracuda « Mark 3 » et Dodge Challenger ( les noms de Conquest, Eliminator et Explorer furent aussi étudiés...) partageront la même plate-forme E-Body, mais les mécaniques appartiendront à chaque marque et le style sera exécuté également par chaque marque, en essayant de partager au moins quelques éléments de carrosserie. Cela n'ira pas sans mal : chaque équipe tient à réaliser son job en indépendance, mais un consensus est imposé pour unifier la production, le designer de renom Edwood Engle dirigera les deux studios ( Carl Cameron dirigeant le projet Dodge ). La cellule centrale, hormis la ligne de toit, sera ainsi quasi identique sur les deux modèles de la Chrys Corps. Afin de différencier un peu plus les autos auprès de la clientèle, il est alors décidé que la Challenger aurait un empattement un peu plus long de 5 cm que la Barracuda. Au final, les deux « pony/muscle » cars de Chrysler étaient plus larges et longues que n'importe laquelle de ses concurrentes !

Lancée au début de l'année 1970, la Dodge Challenger est une belle voiture, mais véritablement king size ! Proposée en coupé hard top ou cabriolet, elle bénéficie bien sûr de multiples variantes d'équipement et d'un grand nombre d'options mécaniques. L'image de marque de Dodge étant très sportive, on laisse tout de même à Plymouth les définitions les plus sages, même si un 6-cylindres en ligne 225 ci de 145 hp est proposé aux gentilles « secretary Six ». Le plus petit V8 est un 340 ci de 275 hp. Avec l'opton Six Pack ( trois carbus double corps, et glou, et glou, et glou ! ), le 340 devient T/A avec 290 hp très hypocrites pour rester dans la réglementation du championnat TransAm ( d'où le nom... ) alors que, comme la concurrence, on est plus proche de 350 hp !

Enfin, pour les plus joueurs, on peut encore opter pour le V8 440 ci ( 375 hp ) , le 440 ci Six Pack ( 390 hp ) et l'ultra démoniaque et imposant 426 Hemi ( 425 hp ) ! Une T/A est essentiellement réservée à la compétition, se chope les 100 km/h en moins de 6 secondes, avec un pont qui tire méchamment court... Pour la route, on a le choix entre trois finitions : base, R/T ( road & track, définition assez sportive ) et SE ( Special Equipment, façon luxe, avec sièges en cuir de skaï d'élevage et toit vinyle ).

Bien aidée par un B-Movie d'anthologie qui cartonne au cinéma ( Vanishing Point, Point Limite Zéro  en french language ), où une Challenger blanche menée par un rebelle traverse les USA coursée par les cops, les ventes sont bonnes pour le premier millésime, avec 80 000 exemplaires écoulés. Mais dès l'année suivante, c'est la cata' : le gouvernement américain, pressé par les compagnies d'assurances soucieuses d'arrêter le massacre ( les muscle cars génèrent pas mal d'accidents de la route ), établit une nouvelle norme antipollution, qui bride les performances de la catégorie.

La gamme Challenger 1971 se réduit et commence à s'assagir : un petit V8 318 ci et 230 hp fait son apparition. En 1972, c'est la curée : plus que deux moteurs complètement émasculés, soient le V8 318 ci ramené à 150 hp et le V8 340 ci ramené à 240 hp ! Pour faire semblant, on trouve de nouvelles décorations à la Challenger qui peut s'équiper de la finition Rallye ( jantes larges, décos... ). La calandre est modifiée et le cabriolet disparaît. En 1973, la finition Rallye ( dont le nom n'amuse toujours pas les compagnies d'assurances... ) est retirée du catalogue, mais l'on peut par le biais d'options s'en « construire » une. Pour tenter de maintenir un semblant de puissance malgré les normes, le V8 340 ci gonfle en cours de millésime à 360 ci ( pour 245 hp ). Les ventes s'effondrent complètement... En 1974, la Challenger voit son dernier millésime : la crise du pétrole a donné le coup de grâce au genre et en 1975, on laissera la place aux compactes japonaises...

Avec environ 166 000 exemplaires produits, la Challenger n'est donc pas la plus répandues de ces américaines extraverties et sportives. Et en trouver sur le sol français n'est pas forcément simple.

Dream Machine.

Les amateurs français d'américaines musclées connaissent bien la société Dream Machine, sise au Mans. Spécialisée dans l'importation de voitures provenant des Usa, Dream Machine est passée maître dans le domaine de la Ford Mustang qui est devenue véritablement une spécialité à part entière. On trouve ensuite à la vente des Corvette et pick-ups, qui constituent ainsi les plus grosses demandes en France. Beaucoup plus sporadiquement, on tombe à l'occasion sur une belle Camaro ou encore des OVNI comme une Challenger. Si vous ne trouvez pas votre bonheur dans le plateau régulièrement renouvelé et proposé par Dream Machine, la société peut aussi répondre à vos demandes en cherchant précisément l'américaine de vos rêves : une équipe de passionnés est à votre écoute ! Dream Machine, www.corvette.fr – com tel. 02 43 82 52 45.

La taille de l'engin est impressionnante, de l'extérieur bien sûr, mais aussi et surtout de l'intérieur : ah, on n'est pas dans une européenne ! Là, on voyage à six sans problème ! Au point de vue couleur, les constructeurs n'hésitaient pas à l'époque : rien que dans la gamme challenger on trouvait du Plum Crazy ( violet ), du Sublime ( vert pomme ) du Go-Mango ( orange ) du Banana ( jaune, bien sûr ), du Panther Pink ( rose ) ! Lunettes de soleil obligatoires... Sur les flancs, les ouïes sont prolongées par des flèches noires autocollantes qui donnent un superbe effet de vitesse à l'auto. Les Rally Wheels cernées de gros gommards, le becquet en polyuréthane et la face arrière traitée en noir mat confèrent un vrai look sportif à l'engin. C'était là l'accastillage des options correspondant à la finition Rallye, plus proposée officiellement.

À bord, le vinyle des sièges fait ce qu'il peut pour ressembler à du cuir mais ne dupe pas grand monde. En revanche, le dessin des sièges dits baquet est « design », de même que le renflement de la console centrale pour laisser passer le levier de vitesses aéronautique ( façon Boeing 747 ) et le placage en bois Ikéa, qui orne la planche de bord et son instrumentation à quatre gros compteurs. Planche de bord particulièrement dépouillée d'ailleurs... Sous les yeux, le volant deux branches à trois trous est ici recouvert d'une garniture cuir lacée assez moche, mais qui permet sans doute un meilleur grip ( quand vous aurez acheté cette belle Challenger, il faudra penser à dégager rapidement ce petit détail inesthétique... ) On est confortablement installé, il n'y a pas à dire. En revanche, on se contentera de bouts droits pour attaquer, parce que les sièges « sport » n'offrent aucun maintien ! Mais en Amérique, c'est ça ou une banquette de veaux !

Bon, pour la suite, on va essayer de ne pas trop vous décevoir : le parfum de l'Amérique joue évidemment à plein. Visuellement, mais auditivement itou : il suffit de mettre en route le small block pour entendre le ronronnement guttural bien typique. Boîte sur Drive, la lourde péniche s'ébranle quand même assez promptement lorsqu'on écrase le santiag sur l'accélérateur. Mais avec 240 hp américains très « grande gueule » sous le capot, ne vous attendez pas à des miracles : la moindre GTI de vingt ans vous pulvérisera au démarrage ! Pour déguster au mieux cette Challenger, prenez-la désormais pour ce qu'elle est : une belle grosse bête, à la personnalité affirmée, confortable, brave fille, dont les sensations tiendront davantage dans une culture méconnue et une ambiance seventies bon teint.

Rappels techniques :

Moteur V8 culbuté tout fonte en position longitudinale AV – 340 ci soit 5 571 cm³ – 240 hp à 5 000 tr/min – 34 mkg à 3 200 tr/min – rapport volumétrique : 9 – vilebrequin 5 paliers – poussoirs hydrauliques – un carburateur Holley double corps – transmission aux roues AR – boîte automatique 3 rapports – suspension indépendante à l'AV – barres de torsion – amortisseurs télescopiques – AR à essieu rigide – ressorts semi-elliptiques longitudinaux - direction : boîtier assisté – freins à disques AV ; tambours AR – structure monocoque acier – carrosserie coupé 5 places – pneus 60 x 15 – poids : 1 400 kg – dimensions ; longueur : 4,87 m – largeur : 1,95 m – empattement : 2,81 m – hauteur : 1,30 m – vitesse maximale : 180 km/h env.

Texte de Thibaut Amant – tiré de la revue Auto Collector Classic n° 2 de Avril 2010.

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La miniature que je vous présente en illustration est la  Dodge Challenger Rallye T/A de 1970.

La semaine prochaine, vous trouverez sur mon site de collectionneur : http://www.ma-collection-auto-1-43e.be la NSU Prinz 30 de 1959,  ainsi que la liste des miniatures présentée sur ce blog.

Excellente semaine à vous.

Jacques.