Gordini , le « sorcier de la mécanique » qui transfigura des Simca puis des Renault, se lance à l'assaut de la descendance de la R8. Mais attention, piège : la 12 est une traction. En dépit du sérieux travail effectué, cette tare initiale ne sera pas pardonnée à la nouvelle « Gord ». Alors que …

R12 Gordini … Le nom résonne de manière magique. Mais pas facile de succéder à une icône, la 8 du même métal. A son époque, la 12 sportive est attendue au tournant. A priori, les connaisseurs font la moue. Une traction sportive ? Pfft ! Les adeptes du virage en travers et de tête-à-queue évités de justesse n'ont même pas envie d'essayer. Certains vont lui savonner la planche.

Et pourtant …

Par rapport à la 8, la 12 « Gord » fait un bond en avant : son moteur abandonne la cylindrée de série pour devenir 20% plus gros. C'est le bloc tout alu et très moderne de la R16 qui s'y colle. Bien sûr pimenté à la sauce du sorcier. Résultat : 113 ch DIN qui ne vont pas être là pour juste amuser le bitume …

Contact ! Même si vous êtes prévenu par la robe à bandes blanches, vous comprenez tout de suite qu'il s'est passé quelque chose de sérieux sous le capot. De très sérieux. Le bruit est rauque, puissant, rageur. Rien à voir avec la mélodie gringalette du Cléon habituel. Petits coups d'accélérateur, les deux gros carbus 45 aspirent goulûment de quoi nourrir la bête. Et ça va pulser, je le sens !

Premiers tours de roues : la puissance pressentie passe du stade de la simple impression à la réalité. Une fois monté en température, le moteur pousse. Enfin …, il tracte. Avec brio : les montées en régime sont vigoureuses, et le couple haut perché ( 4 500 tr/mn ) s'accompagne très bien du poids de l'auto : 980 kg toute mouillée. Mieux : la disponibilité dès les bas régimes est impressionnante. À    1 200 tr/mn, l'auto reprend sans sourciller sur un filet de gaz, et la puissance déferle rapidement. Je suis même étonné – en bien – par la progressivité de l'embrayage : au démarrage, pas un à-coup, pas un soubresaut. Il faut dire que, côté carburation, la voiture ( de l'essai ) est très, très bien réglée.

Pour la mécanique, le sorcier a oeuvré avec talent : vilebrequin, admission et arbre à cames modifiés, alimentation par deux carbus horizontaux double-corps Weber et refroidissement par un radiateur d'huile. Le tout servi par une boîte à 5 vitesses, comme sur les R8 Gordini 1300. Avec un étagement délicieusement rapproché, 9,8 s pour passer de 0 à 100 km/h, c'est alléchant. Mais ça ne dit pas tout : le répondant est bien là, à tous les régimes, sur tous les rapports, même sans aller titiller les 7 000 tr/mn que prend le moteur.

Les virages s'enchaînent. Pas de virevolte du train arrière : contraste total par rapport à sa devancière. Mais très vite, je peste contre la direction. Moins démultipliée, donc plus directe que sur une 12 normale. Ce qui part d'un bon sentiment. Mais à l'arrêt, elle est d'une dureté à décourager un champion d'haltérophilie sous anabolisants. Dès les premiers kilomètres/heure, elle s'allège un peu et devient clémente sur route. Mais en virage … Aïe ! Si vous accélérez, elle se durcit de nouveau, et la démultiplication apparaît encore trop grande ! Sur parcours sinueux, la 12 « Gord » est une des tractions les plus fatigantes qui soient.

Toutefois, l'équilibre général est bon, et le lever de pied en entrée de virage permet d'obtenir une glissade de l'arrière qui n'a rien du côté caractériel des R8, assez chatouilleuses sur la question … La boîte 5, commandée par un levier un peu trop long, n'est pas spécialement précise : elle sera améliorée, mais seulement au dernier millésime. En attendant, il faut prendre un peu de temps avant d'engager chaque rapport. Voulue sportive jusqu'au bout des pneus, la 12 « G » hérite d'un sacré freinage : disques ventilés à l'avant ( première fois sur une voiture française ) et disques pleins à l'arrière. Il n'y a pas à dire : ça ralentit fort !

Alors, vous vous laissez emporter. Dans un concert de décibels exubérant que certains trouveront fatigant après 500 km d'autoroute, c'est sûr. Mais la 12 « G » est une auto sans concession. Une sportive généreuse, à caresser ou à cravacher. Et finalement très accommodante, mécaniquement.

NB :

Sous le capot, exit le Cléon-fonte. Place au Cléon-Alu, celui des Renault 16. C'est la cylindrée de la 16 TS qui est retenue : 1 565 cm³. Toujours un arbre à cames latéral, mais deux gros carbus Weber … avides d'essence !

• Sur la 12 « Gord », l'orifice de remplissage migre du panneau arrière à l'aile arrière gauche, sans clapet protecteur. L'énorme réservoir jauge 89 litres.

• Les pare-chocs, jusqu'à fin 1972 où ils seront de série, sont une option, rarement prise par les clients. Pour faire brute de décoffrage, la Gordini se passe de baguettes chromées en bas de caisse.

• Renault n'a pas mis beaucoup d'argent dans la présentation intérieure. Mais à gauche du volant, deux petits cadrans additionnels : température d'eau, pression d'huile. Important, ça, la pression d'huile !

• Avec des timidités de midinette, le compte-tours débute sa zone rouge à 6 000 tr/mn. Alors que le moteur accepte de frôler les 7 000 tr/mn. Renault reste prudent, très prudent … Trop ?

• La boîte à 5 rapports, héritée de la 8 Gordini, servira aussi dans les coupés 17 TS et Gordini. Avec un levier plus court agissant sur une grille plus nette, elle aurait avantageusement gagné en netteté dans sa commande.

• Du moelleux. Et quel moelleux ! Comme à l'avant, le corps s'enfonce dans la banquette. En revanche, aucun maintien latéral. Surprenant: même dans cette version spartiate, la 12 « G » dispose d'un somptueux accoudoir.

Fiche technique :

Moteur 4 cylindres en ligne ; 1 565 cm³ ; 9 CV ; 113 ch DIN à 6 250 tr/mn : couple : 147 Nm à 4 500 tr/mn ; 2 carburateurs double-corps Weber 45 ; transmission aux roues AV, boîte 5 vitesses;pneus : 165 HR 13 ; dimensions : 4,34 x 1,63 x 1,40 m ; 980 kg ; Vitesse Max : 185 km/h ; 1000 m départ arrêté : 32,8 s ; réservoir : 89 l ; coffre : 380 dm³.

Texte de Jean-Rémy MACCHIA – tiré de la revue Auto-Classiques-Plus de Dec 2019 – Jan 2020.

La miniature présentée en illustration est la Renault 12 Gordini de 1971.

Vous trouverez cette semaine comme nouveauté sur mon site de collectionneur : http://www.ma-collection-auto-1-43e.be la VW 1600 L de 1970.

Cordialement.

Jacques.