Cisitalia connut une gloire éphémère, faisant un peu figure d'étoile filante dans le ciel renaissant de l'après-guerre automobile en Italie. Àl'inverse, nous avons eu la grande chance de prendre le volant d'une Cisitalia 202 SMM Spyder Nuvolari. Et surtout, de l'exemplaire qui connut la plus longue carière en course.

Luigi Bedosti gare son cabriolet Aprilia dans le parking dédié aux invités du Salone dell' Automobile. L'industriel turinois n'a pas rejoint ses bureaux ce matin, et s'est rendu directement au Palazzo Esponizioni pour un rendez-vous des plus importants. Il traverse maintenant le spectaculaire bâtiment d'un pas décidé. En ce mercredi 15 septembre 1948, Luigi n'aurait manqué pour rien au monde l'ouverture de cette 31^e édition du Salon de Turin.Car depuis l'exploit de Nuvolari aux Mille Miglia 1947 au volant d'une Cisitalia 202 Spyder, il veut absolument posséder une de ces machines de course. Ce rêve est maintenant devant lui : la 202 numéro de châssis 003S trône sur le stand Cisitalia.

C'est en 1939 que Piero Dusio crée l'usine Cisitalia. ConsozioIndustriale Sportiva Italia. Il construit un premier prototype automobile mais il est interrompu par la déclaration de guerre. Cisitalia fabrique alors des éléments mécaniques et des cycles, puis Dusio reprend ses travaux avec Piero Taruffi, grand pilote et fin mécanicien. En 1944, les deux hommes contactent Dante Giacosa en vue de l'étude d'une voiture de course de petite cylindrée. Giacosa est l'ingénieur qui conçut la Topolino chez Fiat, mais avec la reprise des activités industrielles, il réintègre bientôt le Lingotto. Giovanni Savonuzzi, lui aussi débauché de Fiat, reprend le flambeau, et la D46 sort en 1946. Avec son poids plume de 370 kg, son châssis tubulaire et son moteur de 65 ch dérivé du 1100 Fiat, la monoplace est dotée de performances très intéressantes et d'une vitesse de pointe de 177 km/h. Elle rencontre un franc succès auprès des pilotes. Une trentaine d'exemplaires sont vendus et Dusio décide de créer une voiture de sport biplace en élargissant son châssis. La monopostoétait le Tipo 201, la biposto est naturellement baptisée Tipo 202. Les 202 Sport sont carrossées par Vignale puis par Pinin Farina, plus à même d'assurer une production suivie.

Le 22 juin 1947, trois 202 sont engagées aux Mille Miglia. Un Spyder pour Nuvolari/Carena et deux coupés pour Bernabei/Pacini et Minetti/Facetti. Sur le papier, ce sont les autos les moins performantes du plateau. Elles terminent pourtant dans cet ordre aux 2^e, 3^e et 4^e places, et remportent la classe Sport 1100 devant une armada de Fiat. Tazio Nuvolari mène la course, jusqu'à un incident électrique qui permet à l'Alfa Romeo 8C de Romano/Biondetti de lui ravir la tête. Le Campionissimo parvient à se dépanner sur le bord de la route, effectue une remontée dantesque et termine deuxième à 16 minutes. Après cet exploit, Dusio signe avec le champion un contrat qui l'autorise à rebaptiser ses autos Tipo 202 SMM Spyder Nuvolari. Il confiera ensuite à Pininfarina le dessin d'une version GT. Plus sobre, elle fera le bonheur de 172 acquéreurs avant que la firme ne ferme ses portes en 1952, victime d'une gestion financière désastreuse.

Notre exemplaire ( celui de l'essai de notre journaliste ) est un modèle de 1947. Il est pourtant vendu le 6 octobre 1948 à Luigi Bedosti, puis immatriculé le 12 du même mois. Sans que Bedosti l'ait fait courir, Mario Bortolotti en fait l'acquisition dix jours avant les Mille Miglia 1949. Il y engage l'auto sous le numéro 446, mais abandonne. OO3S change ensuite de mains à plusieurs reprises et prend part à la course de côte Bologna-Raticosa 1950, puis à quatre épreuves en 1951. Elle participe aux Mille Miglia 1952 dans une spectaculaire version à pavillon bombé en plexiglas. Après retour dans sa configuration d'origine, elle fait de nombreuses apparitions en compétition de 1952 à 1957, comme à la course de côte Trieste-Opicina, au Rallye Nuvolari, à la Supercortemaggiore, ou à la Coppa d'Oro Dolomiti. Elle remporte la plupart du temps sa classe, et devient la Cisitalia 202 la plus capée dans les courses internationales. Elle reprend du service dans les années 1980, avant d'être remisée dans un état d'usure avancée. Elle change de mains et Nino Balestra, auteur d'un ouvrage de référence sur la marque, entame sa restauration. Il la cède à son tour et 003S ressort de la Carrozzeria Nova Rinascente en 1999 avec une carrosserie flambant neuve. Après un séjour au Japon puis aux USA, elle revient en Belgique ( où elle est en vente chez www.cadycars.be). La ligne de 003S est époustouflante, basse et très racée. L'archétype de la voiture de course biplace. Cinq 202 Sport sont référencées, parmi lesquels trois Spyder Nuvolari. Nous sommes donc en présence d'une voiture très exclusive. Hormis les monogrammes et l'éclairage, la 202 est dépourvue de tout accessoire. La carrosserie semble faite d'un seul jet. Les roues Borani, carénées à l'arrière, accompagnent cette symphonie en rouge, tout comme la superbe calandre et les louvres de capot. L'ouverture de ce dernier révèle le petit bloc Cisitalia, dérivé du 1100 cm³Fiat dont il utilise les fonderies. Il est ici dans son exécution course et positionné très bas du fait de sa lubrification à carter sec. 

J'ouvre la porte et « monte » à bord. Sans recul entre le siège et le grand volant, l'accès est malaisé, mais par égard pour l'auto, je ne saute pas par-dessus le flanc comme à l'époque. Une fois bien calé au volant, je fais corps avec l'auto. Contact, je «tire » sur le démarreur . Le 1100 fait entendre sa voix claire et forte. L'embrayage est très léger et j'engage la 1^re, non sans être passé par la 2^e pour éviter que ça grogne. Le frein à main est tout au fond à droite, mais sans ceinture je l'atteins facilement. L'auto s'élance, instantanément maniable et légère. Le roulage est très fluide. Je passe les rapports avec un certain régime, malgré un levier un peu trop long pour être précis. Je prends de la vitesse, le saute-vent protège bien. Le 1100 n'a que peu de couple, mais en poussant les rapports, j'obtiens une bonne accélération, bien aidé par un étagement de boîte optimal. Les petites routes des environs d'Ypres permettent de profiter d'un châssis rigide et d'une direction vive et précise. Les freins sont très efficaces. Sur mauvais revêtement, l'avant drible un peu, défaut typique de la lame de suspension transversale. Et haussant le ton, le moteur se fait plus rageur, et les performances sont là. Mais on ne peut qu'être admiratif des pilotes qui tiraient toute la quintessence de tels engins, de surcroît sur des routes qui n'étaient pas nos billards. Quant à moi, très humblement et tout à ces pensées admiratives, je prolonge cet instant de pur bonheur au volant de cette merveilleuse voiture de course. Puis viendra l'heure de rendre la Cisitalia....

Caractéristiques techniques :

Moteur 4 cylindres en ligne en position longitudinale avant ; 1090 cm³ ; 65 ch à 5 500 tr/min ; rapport volumétrique : 9.8 à 1 ; un arbre à came latéral ; soupapes en tête ; vilebrequin 3 paliers ; 2 carburateurs Weber 36 DR4 SP.

Transmission aux roues arrière ; boîte 4 vitesses, embrayage monodisque à sec.

Direction à vis et secteur hélicoïdal d'origine Fiat Topolino.

Suspension AV triangulée à roues indépendantes et lame de ressort transversale supérieure ; AR pont rigide et ressorts à lames semi-elliptiques ; AV/AR amortisseurs hydrauliques télescopiques.

Châssis tubulaire et carrosserie aluminium, spyder 2 places ; 2 portes.

Dimensions : longueur 3,78 m ; largeur 1,45 m ; hauteur 1,14 m ; empattement 2,40 m, voies AV/AR 1,258/1,247 m.

Roues jantes Borani type Rudge Whitworth 15 x 3.00, pneus 5.00 x 15 basse pression.

Poids ( à sec ) 660 kg.

Vitesse maximale ( usine ) 175 km/h.

Texte de Frank FIGULS – extrait de la revue « Rétroviseur n° 349 de novembre 2018 ».

La miniature que je vous présente en illustration est la Cisitalia 202 SMM Spyder Nuvolari de 1947.

Vous trouverez sur mon site de collectionneur :www.ma-collection-auto-1-43e.be deux nouveautés, dont la 650^e miniature ; la Dodge Challenger T/A de 1970 et l'Austin FX3 de 1954. N'oubliez pas que vous y trouverez aussi un index complet des articles parus sur ce blog.

Un brin d'humour

La vitesse excessive est sans doute à l'origine du carambolage le plus coûteux du Japon survenu dimanche lorsqu'une douzaine de voitures de course valant au total près de 3 millions d'euros se sont encastrées sur une portion d'autoroute rendue glissante par la pluie. Huit Ferrari, une Lamborghini, trois Mercedes-Benz et une Toyota Prius figurent parmi les véhicules impliqués dans la collision sur l'autoroute Chugoku ( ouest ), provoquée par la perte de contrôle de la voiture de tête du convoi, selon des témoins.

En constatant les dégâts sur son véhicule, le conducteur de la Lamborghini s'est exclamé : « Ouh là ! Ça va me coûter une bonne semaine de travail ça ! »

Le conducteur de la Ferrari, qui le précédait, s'est écrié :« Le moteur est touché, ça va me coûter un mois de salaire pour le faire réparer ! »

C'est alors que le propriétaire de la Toyota, coincée entre les deux voitures rouge, s'est effondré en larmes : « Et moi, je viens de perdre un an de salaire... »

Les deux autres se sont regardés, éberlués : « Mais vous êtes complètement fou d'avoir acheté une voiture aussi chère ! »

Excellente semaine à tous.

Jacques.